Dans un contexte où Hollywood fait face à sa période la plus critique depuis des décennies, les contenus japonais, menés par les anime, les jeux vidéo et la musique, connaissent un essor sans précédent aux États-Unis. Selon une analyse du sociologue du divertissement Atsuo Nakayama (中山淳雄), cet « âge d’or » des productions japonaises n’est pas seulement un phénomène culturel, mais aussi le reflet des changements structurels de l’industrie mondiale du divertissement.
L’industrie du cinéma et de la télévision à Hollywood a subi de sévères coups depuis la pandémie de 2020. Cette année-là, les effectifs de l’industrie cinématographique américaine ont été réduits de moitié. Bien qu’il y ait eu une première reprise, la grève des scénaristes et des acteurs de 2023 a de nouveau paralysé la production pendant six mois, laissant des milliers de chômeurs et les studios avec une diminution significative des titres en développement.
L’impact a été dévastateur : le nombre de productions cinématographiques n’a cessé de diminuer depuis 2022 et les grandes entreprises ont réduit leurs investissements, choisissant de privilégier la qualité à la quantité dans un marché de plus en plus concurrentiel. En outre, les pressions exercées par Wall Street pour maximiser le retour sur investissement ont limité les risques créatifs, faisant perdre à Hollywood son leadership sur le marché mondial.
En revanche, le contenu japonais a rapidement gagné du terrain sur le marché américain. Les données de Parrot Analytics montrent que la demande de programmes dans des langues autres que l'anglais a considérablement augmenté, passant de seulement 20 % en 2018 à 40 % en 2023. Au sein de ce groupe, les productions en langue japonaise, notamment les dessins animés, dominent avec un avantage notable sur les fictions coréennes et européennes.
Des titres comme « Oshi no Ko » et « Jujutsu Kaisen » captent l'attention des jeunes générations aux États-Unis, supplantant même des événements emblématiques comme le Super Bowl parmi les intérêts des téléspectateurs. Ce phénomène ne se limite pas aux anime : la musique japonaise (J-pop) et les jeux vidéo touchent également de nouveaux publics mondiaux, avec des artistes comme Fujii Kaze et des groupes comme XG gagnant en popularité à partir de 2022.
En 2024, le succès de productions telles que le film oscarisé « Godzilla Minus One » et l'adaptation live-action de « One Piece » par Netflix renforce encore l'importance du Japon dans la culture pop mondiale. Les experts attribuent le succès du contenu japonais à son accent unique sur la tradition et la préservation culturelle. Contrairement à Hollywood, où l'innovation implique souvent de rompre avec le passé, le Japon a construit ses franchises comme Godzilla et One Piece sur une base de continuité, héritant et adaptant leurs récits au fil des décennies.
Des productions encore plus récentes, comme la série Disney Plus « SHOGUN », qui explore l’histoire du Japon féodal, ont montré que le public mondial est ouvert aux récits culturellement spécifiques. La série a atteint 9 millions de vues en six jours et a obtenu 25 nominations aux Emmy, marquant un record historique pour Disney.
L’essor du contenu japonais n’est pas seulement le résultat d’une crise à Hollywood, mais aussi le reflet d’une nouvelle ère du divertissement, où le public mondial recherche la diversité culturelle. Le Japon, avec son mélange d'innovation et de respect de la tradition, semble avoir trouvé l'équilibre parfait pour prospérer dans ce paysage en mutation.
